Espace : Voyages. - Ayacucho
Ayacucho - septembre 2010 -
J'étais arrivé dans la ville d'Ayacucho après un voyage de plusieurs jours dans la cordillière des Andes. Le lendemain, j'ai pris un bus pour me rendre dans un village voisin : Quinua.
![]() | ![]() | ![]() |
Vues d'Ayacucho - Cliquez sur l'image pour l'agrandir |
Quinua est une charmante localité située à 3 300 mètres altitude. C'est dans la pampa proche de ce village que s'est déroulée le 9 décembre 1824 la Bataille d'Ayacucho. Il s'agit du dernier affrontement des guerres d'indépendance d'Amérique du sud. La victoire des indépendantistes, dirigés par Antonio Jose de Sucre sur les loyalistes du vice-roi du Pérou institue l'indépendance du Pérou avec la capitulation militaire de l'armée royaliste.
Le village profite aujourd'hui de son emplacement historique pour attirer des touristes de passage à Ayacucho. Des milliers de visiteurs viennent voir chaque année le champ de bataille et l'obélisque commémoratif.
Du mini bus qui m'amenait là, on pouvait voir le fameux monument commémoratif de la bataille. Rien d'extraordinaire, le monument m'est apparu hideux même vu de loin comme presque tous les monuments commémoratifs. J'avoue être un peu partial. Les commémorations, on peut pas dire que ce soient ma tasse de thé. En plus j'aime pas le thé !
Du coup, j'ai préféré m'arrêter au village. Quand je suis arrivé assez tôt le matin tout était calme et les habitants semblaient préférer rester chez eux. Et au fur et à mesure que la matinée laissait place à une plus gand agitation, j'ai compris qu'il y avait fête au village. Laquelle? A quelle occasion? J'ai pas demandé. C'était une fête populaire et ça me suffisait. En me promenant dans des ruelles vides, je suis tombé sur un marché, modeste mais comme tous les marchés andins colorés. Et puis tout a commencé par quatre processions venant des quatre rues qui débouchaient sur la place du village où bien entendu se trouve l'église. Et comme il se doit, les processions étaient précédées par un homme qui portait.... le christ en croix, la vierge... non ça c'était après dans le cortège ... une caisse de bière. Tout cela laissait présager de la suite de la journée.
Disant cela, me revient en mémoire un bouquin que j'ai lu par la suite, "Avril rouge" du péruvien Santiago Roncagliolo et qui débute ainsi : "Le 8 mars 2000, alors qu'il se trouvait aux environs immédiats de son domicile, dans le village de Quinua, Mayta Carazo (31 ans) à trouvé un cadavre.
Selon ce qu'il a maintenu devant les autorités compétentes, le déclarant aurait assisté pendant trois jours au carnaval de la localité susmentionnée, et participé au bal du village. Il prétend ne pas pouvoir, à cause de cette contigence, se rappeler où il se trouvait la nuit précédente, ni aucune des autres nuits avant celle-là, durant lesquelles il dit avoir bu de grandes quantités de boissons alcoolisés . Cette version n'a pu être ratifiée par aucun des 1 576 habitants du village, qui assurent s'être trouvés eux-mêmes dans cet état éthylique pendant les 72 heures précédentes, à cause de la fête."
Je ne sais si à l'époque, il y avait 1576 habitants, n'ayant pas eu la présence d'esprit de les compter, d'autant qu'il devait bien y avoir des individus de villages voisins. Mais la fête a été animée tout l'après-midi et une grande partie de la soirée. Fête foraine, musique, chansons, vendeurs ambulants, buvettes, défilés et même une course de taureau dans un lieu baptisé arène.
![]() | ![]() | ![]() | ![]() | ![]() |
Vues de Quinua - Cliquez sur l'image pour l'agrandir |
Le livre de Roncagliolo "Avril rouge" (cliquez sur l'image pour lire le résumé) est un polar qui se situe à Quinua en mars 2000 et débute par un crime. Jusque là rien d'extraordinaire pour un roman policier. Félix Chacaltana Saldivar, substitut au procureur du district de Huamanga, se voit confier un dossier sur la mort d'un homme dont le corps est retrouvé calciné dans une grange. Chacalcana doit faire face au mutisme de la police et de l'armée et malgré lui, il va se retrouver à enquêter. Crime "ordinaire" ou résurgence du Sentier Lumineux. L'action remise dans son contexte sociopolitique nous plonge dans les coulisses d'un conflit entre l'armée et la guérilla du Sentier Lumineux" des années 1980-1990 et de la terrible répression subie par les populations locales, victimes co-latérales de cette lutte sans merci. On y trouve également de nombreuses références à la culture andine. Tout cela fait de ce livre autre chose qu'un simple "polar", un témoignage sur une époque et sur un pays.
En 1970 un professeur de philosophie à l'université San Cristobal de Huamanga (Ayacucho), Abimael Guzman crée un mouvement appelé Sentier Lumineux. Guzman se fait surnommé President Gonzalo par ses partisans. Cette organisation de tendance maoïste résulte d'une scission du Parti communiste péruvien et se considère comme son véritable représentant. En 1980 Guzman décide alors d'abandonner l'université pour consolider le parti et se consacrer à la lutte armée.
Le Sentier lumineux s'impose par la violence et la terreur auprès des populations campagnardes. A ces tueries répond, dans une spirale de représailles, une autre violence, celles des autorités politiques et militaires. Toutes les communautés villageoises de la région d'Ayacucho sont considérées comme alliées du Sentier lumineux et qu'importe si elles ne font que subir sa domination et sa loi sauvage. Ces années seront pour la population des années de terreur jalonnées de disparitions, d'assassinats, d'éxécutions extrajudiciaires, de viols et d'exactions diverses. Aujourd'hui encore toute la lumière n'a pas été faite sur cette période.
Sur ce sujet, voilà ce que raconte deux ouvrages très différents mais complémentaires.
![]() | ![]() |
cliquez sur les vignettes pour lire le résumé |
Venant de Lima, la capitale, pour arriver à Ayacucho, j'étais passé par Huancavelica une localité de 28 000 habitants située à 2 676 mètres d'altitude. La route est longue et sinueuse mais les paysages magiques de la sierra adoucissent le voyage.
C'était l'époque des élections locales au Pérou. Et le village s'animait au gré des interventions bruyantes des candidats et de leurs supporters. Chaque fois qu'un candidat prenait la parole pour attirer et essayer de convaincre d'éventuels futurs électeurs ses partisans venaient manifester leur adhésion à ses paroles. Aussitôt, les groupes des supporters de ses rivaux arrivaient du bout du village, à pied ou en voiture et faisaient le maximun de bruit en scandant le nom de leur favori, essayant de couvrir les paroles du concurrent. Le tout ma foi dans une relative bonne ambiance et la plus indescriptible cacophonie. Pas de violence ni d'hostilité. Cela semblait être une règle du jeu que chacun respectait. Il règnait comme une espèce de fête permanente durant la journée et une partie de la soirée.
Une journée passée à randonner dans les collines environnantes, une vue imprennable sur la ville, la mine de Santa barbara, une rencontre au hasard de la promenade en pleine nature et toujours... le sentier lumineux.
La ville fut construite en 1572 avec comme premier nom Villa Rica de Oropesa. Elle sera connue grace à la mine de Santa Barbara. Une ballade de deux heures dans les collines m'y amène. La mine un temps célèbre dans le monde entier est aujourd'hui fermée. On y avait découvert du mercure et son extraction en fit une des mines les plus rentables des Amériques. L'endroit est solitaire et apaisant. Ce ne dut pas être toujours le cas.
![]() | ![]() | ![]() | ![]() |
![]() | ![]() | ![]() | ![]() |
![]() | ![]() | ||
Huancavelica - la mine - la nature environnante |
En 1648 le vice-roi du Pérou, a déclaré que Potosí et Huancavelica étaient "les deux piliers qui soutiennent ce royaume et celui de l'Espagne". Il pensait que l'Espagne pourrait se passer de l'argent de Potosí, mais pas du mercure de Huancavelica.
Au retour, en redescendant sur Huancavelica, je rencontre un gars du coin. On engage la conversation. Je lui fait part de ma passion pour les paysages de la Sierra. Il me parle de la mine et puis soudain du Sentier Lumineux. Il a vécu cette période. On arrive vers un hameau. Quelques maisons seulement. Il n'y pas âmes qui vivent. Les habitants sont tous aux champs. Il me dit que le groupe terroriste, venait souvent ici et avait établi comme une sorte de camp de base qu'il abandonnait quand les forces armées approchaient. Nous sommes à trois quart d'heure de marche de la ville de Huancavelica où les miltaires étaient cantonnés. Comme vers la mîne l'endroit est calme et plein de sérénité. Paisible! Il me faut beaucoup d'imagination pour visualiser des scènes de combats et de violence. Je suppose que les gens d'ici n'ont pas à se donner cette peine.
![]() | ![]() | ![]() | ![]() |
Le village |
Ensuite, de Huancavelica pour rejoindre Ayacucho la route est un peu compliqué. Une partie n'est pas asphaltée. Départ avant le lever du jour. 4 heures du matin au bord d'un chemin de campagne à la sortie de la ville pour attendre un mini-bus. Des vendeurs ambulants se sont installés pour proposer des boissons chaudes et quelques nourritures. Je dors debout. Le véhicule n'est pas très confortable, la route chaotique et il fait un froid de canard. Mais le paysage sera sublime.
![]() | ![]() | ![]() |
La route |
Dans Ayacucho, je cherche une adresse. Le musée de la mémoire. C'est le siège de l'ANFASEP, une association créee en 1983 pour regrouper les personnes victimes des groupes terroristes et des violences militaires. Je cherche mon chemin. Je m'égare un peu. Finalement, je trouve. C'était au bout de l'avenue Liberté. Il suffisait d'y penser.
![]() | ![]() | ![]() | ![]() |
Le musée de la Mémoire - ANFASEP |
Pour complèter cet article voici les références de deux vidéos que l'on peut trouver sur "YouTube" et qui parlent de la création et de l'action de cette association.
![]() | ![]() | |
Cliquez sur les images ci-dessous pour les consulter |
Richard Jean Pierre